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Lettre De M. Aubry à G. Hage
PARIS, le 23 Août 2000.
Monsieur le Député,
Vous avez appelé mon attention sur l'absence d'une législation dans le domaine du harcèlement moral.
Le harcèlement moral sur le lieu de travail est un phénomène préoccupant qui prend de plus en plus d'ampleur dans notre société. J'ai ainsi pu avoir connaissance, au cours de ces derniers mois, de l'existence d'un nombre croissant de cas dans lesquels il était clair que des salariés étaient victimes de harcèlement psychologique dans leur entreprise. Ces cas m'ont conduit à penser que, loin d'être isolées, ces pratiques constituent aujourd'hui un véritable problème sur lequel il m'est apparu important de se pencher.
Ce phénomène est toutefois difficile à cerner. Il recouvre une série de pratiques et de comportements très divers tendant, par des pressions de toute nature, à déstabiliser un individu, et dans bon nombre de cas, le pousser au départ de l'entreprise ou à la faute. Il repose sur une répétition de pratiques insidieuses portant atteinte à la personnalité même de la victime (qui est la plupart du temps un salarié). Ces agissements sont d'autant plus difficiles à identifier et à établir de manière objective, que le salarié se trouve dans l'incapacité de réagir rationnellement, et que ses collègues de travail restent, en général, passifs face à ces pratiques. Il est donc très difficile de définir sur un plan juridique ce qu'est le harcèlement moral sur le lieu de travail.
Dans ce cadre, j'ai demandé aux services déconcentrés de mon ministère (inspection du travail, médecins - inspecteurs régionaux) d'apporter leur contribution fondée sur l'expérience, afin de mieux cerner la réalité du harcèlement moral et de proposer des pistes de solutions. Des recherches ont également été lancées auprès de pays étranger comme par exemple la Suède, l'Allemagne, l'Australie ou l'Italie, afin de connaître plus précisément leur approche du phénomène.
Par ailleurs, le Conseil économique et social a été saisi afin de rendre un avis dont je devrais disposer d'ici la fin de l'année. Enfin, il convient de noter que lors du sommet de Lisbonne du 23 et 24 mars 2000, les ministres européens des affaires sociales ont abouti à un accord politique sur le contenu d'une directive interdisant sur l'ensemble du territoire de l'Union Européenne toutes les discriminations liées à la race ou l'origine ethnique pouvant se manifester à l'occasion notamment de la relation de travail. Le projet de directive inclut une définition du harcèlement moral, à laquelle la France à beaucoup contribué, et interdit les comportements en les assimilant à des discriminations.
Ainsi, je serai en possession dans les prochains mois de l'ensemble des éléments nécessaires pour proposer des mesures afin de lutter efficacement contre le développement de ce phénomène dans nos entreprises.
Je vous prie de croire, Monsieur le Député, à l'expression de mes sentiments les meilleurs.
Martine AUBRY (Ministre de l'Emploi et de la Solidarité)