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La souffrance professionnelle peut constituer un risque grave justifiant le recours à un expert par le CHSCT

Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Première Chambre civile B, 5 juillet 1999.

CRAM du Sud-Est c/FO CHSCT

Motifs de la décision

En application de l'article L.236-9 du Code du travail, le CHSCT peut faire appel à un expert agréé, notamment lorsqu'un risque grave révélé ou non par un accident du travail, une maladie professionnelle ou à caractère professionnel est constaté dans l'établissement

Et, il est ajouté que "si l'employeur entend contester la nécessité de l'expertise, la désignation de l'expert, le coût, l'étendue ou le délai de l'expertise". Cette contestation est portée devant le Président du Tribunal de Grande Instance statuant en urgence.

Le président du tribunal doit donc être saisi en urgence, c'estàdire "en la forme des référés" et non "en référé" et la décision rendue est une ordonnance statuant au fond.

Contrairement à ce qu'allègue la CRAM SE appelante, le texte de l'article L.236-9 sus-énoncé précise que le risque grave peut être caractérisé sans qu'il soit nécessairement révélé par un accident du travail ou une maladie professionnelle ou à caractère professionnel, ce mode de révélation du risque n'étant qu'éventuel.

En conséquence, l'existence du risque grave est susceptible d'être reconnue, même si aucun accident du travail ou aucune maladie professionnelle limitativement énumérée par décret n'a été constatée dans l'entreprise ou le secteur concerné.

En outre, le risque encouru n'est pas seulement celui d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle au sens du décret, mais il peut concerner tout ce qui relève des attributions du CHSCT, par référence en particulier à l'article L.236-2 du Code du travail qui dispose que cette entité "a pour mission de contribuer à la protection de la santé et de la sécurité des salariés... ainsi qu'à l'amélioration des conditions de travail".

C'est donc dans la limite de ce champ d'action du CHSCT que le risque visé à l'article L.236-9 doit exister, l'expertise devant être reconnue nécessaire si un risque grave a été constaté.

Il importe, en conséquence, d'apprécier :

- S'il existe des éléments objectifs permettant de constater la réalité d'un risque.

- Si ce risque est grave.

Le risque invoqué est celui de l'atteinte à la santé des salariés du secteur PREGES de la CRAM SE.

Le médecin du travail, intervenu lors de la réunion du CHSCT du 10 décembre 1998, et a précisé que les indicateurs objectifs de l'existence d'une souffrance professionnelle directement liées aux conditions de travail des acteurs de la branche PREGES étaient nombreux et relevaient, en particulier, de l'augmentation du nombre de visites, du temps d'écoute et des examens et de la nature des orientations médicales prescrites. Les rapports annuels successifs de ce médecin du travail montrent aussi l'évolution nettement négative de la situation de santé des cadres du secteur PREGES.

Le risque encouru est en outre décrit dans le rapport du médecin du travail en date du 15 janvier 1999 qui fait état de façon particulièrement circonstanciée :

- De l'augmentation du nombre de personnes souffrant d'une altération de l'état de santé directement liée à l'environnement professionnel.

- D'une aggravation des pathologies dépistées en rapport avec le stress professionnel.

- D'une augmentation de la fréquence et de la gravité des urgences sur les lieux de travail liés à des incidents conflictuels aigus ou des décompensations.
- De l'aggravation des indicateurs de santé négatifs (cardiovasculaires, TMS, anxio-dépressif, digestif).

- De la crainte du passage à l'acte chez certains salariés (risque TS ou acte violent contre autrui non négligeable).

- De l'augmentation du risque d'accidents du travail ou de trajet directement en relation avec la tension vécue dans le milieu ,professionnel alors que chez certains salariés les capacités d'adaptation à un environnement confus et pathogènes sont dépassées.

Ainsi, les critères objectifs de risque encouru par les salariés du secteur concernés sont établis, dès lors que rien ne permet de remettre, a priori, en cause l'avis du médecin du travail, son implication alléguée avec les salariés prétendument contestataires n'étant nullement étayée et relevant en réalité d'une argumentation qui tend seulement à contester l'essence même de la fonction du médecin du travail.

La gravité du risque résulte aussi des éléments de sa description dans ses différents comptes rendus, étant observé que les cadres concernés sont nombreux, que les premiers signes constatés sont ceux de pathologies majeures pour la santé physique et psychique et qu'ils ont un retentissement certain dans la vie professionnelle et personnelle des intéressés.

Enfin, le premier juge a pertinemment relevé l'absence de toute allégation par la direction de prise en compte de quelque façon que ce soit de ses observations d'ordre médical, puisque la CRAM du SE persiste à nier la réalité d'un risque et à affirmer sa mise en exergue est erroné et masque seulement des querelles de personnes et de pouvoirs.

Il importe, en outre, de relever que dans ses écritures de premières instances et d'appel la CRAM SE n'a expressément contesté que la nécessité de l'expertise sans remettre en cause la désignation de l'expert au sens de l'article L.236-9 c'est-à dire le choix de l'expert agréé et le contenu de sa mission contre lesquels aucune argumentation n'a été formulée.

L'ordonnance présidentielle entreprise sera donc confirmée, sauf à préciser qu'il n'est pas statué en référé, mais au fond en urgence.

La CRAM SE, partie appelante et succombante, sera condamnée aux dépens et à payer au CHSCT une indemnité de 4 000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

PAR CES MOTIFS : La Cour, Statuant publiquement et contradictoirement :

CONFIRME l'ordonnance entreprise en précisant qu'il n'est pas statué en référé mais au fond, en urgence.

CONDAMNE la CRAM du Sud-Est à payer au CHSCT la somme de 4 000 Francs en application de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure civile.

CONDAMNE la CRAM du Sud-Est aux dépens et dit qu'ils seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Nouveau Code de Procédure civile.

Président : M. KROUDIT.
Avocats : Me SOLORD, Me BOISNEAULT.

 

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